Les statuts interdisent à la patronne des patrons de briguer
un troisième mandat. Parviendra-t-elle à les modifier pour rempiler ? La
réponse est peut-être pour aujourd'hui...
Que nous prépare le Medef lundi 18 mars ? Le comité des statuts était censé donner sa position au comité exécutif de l'organisation sur la modification des règles qui pourraient permettre à Laurence Parisot de se maintenir à sa tête. Mais il est possible que les dirigeants des fédérations prennent plus de temps que prévu pour décider s'ils donnent ou non leur feu vert à la patronne des patrons pour briguer un troisième mandat. S'ils disent oui, Laurence Parisot aura réussi un coup de maître. En quelques mois, elle aura retourné la situation à son avantage, se retrouvant quasiment dans la position de candidate naturelle à l'approche de l'élection de juin prochain. Récit d'un coup de force avant l'issue du dernier acte.
1er acte : vaincre la fatalité
Dès l'été 2012, Laurence Parisot fait courir la rumeur :
elle pourrait vouloir briguer un troisième mandat. A cette époque, l'idée fait
sourire la plupart des patrons, car la présidente en est à son second, et pour
rester à son poste, il faudrait non seulement qu'elle modifie les statuts, mais
aussi que ce changement s'applique tout de suite ! La rumeur n'inquiète donc
pas plus que ça, d'autant que la campagne officielle ne doit commencer qu'en
janvier 2013. "Laurence Parisot m'a demandé d'attendre, pour ne pas
interférer avec les négociations en cours sur la sécurisation de
l'emploi", confie en novembre Jean-Claude Volot, premier candidat déclaré
à sa succession.
Cette situation profite à la présidente du Medef : elle
occupe le devant de la scène, alternant des sorties musclées contre les projets
fiscaux du gouvernement et des signes d'apaisement dans les négociations sur la
réforme du droit du travail. Les patrons applaudissent. "On a soutenu Laurence,
on n'a pas été déçu ", dit la fédération bancaire. "Parisot a été une
excellente présidente", abonde le bâtiment. En parallèle, Laurence Parisot
s'occupe d'alimenter la rumeur. "Nous avons décidé que la question de la
succession serait traitée après la négociation sur l'emploi, je ne vais pas
enfreindre cette règle", dit-elle sans exclure sa candidature.
La patronne des patrons se donne ainsi du temps pour que le
principe d'un nouveau mandat pénètre les esprits les plus réfractaires. Pendant
qu'elle prive ses opposants de toute possibilité de contestation, son entourage
plaide déjà en sa faveur. En décembre, Jean-Louis Schilansky, patron de la
fédération de l'industrie pétrolière et trésorier du Medef brise le silence :
"Il faut qu'elle reste, quitte à changer les statuts."
2e acte : Modifier les statuts
La présidente du Medef choisit le moment le plus favorable
pour passer à l'acte : le soir de la signature de l'accord qui permettra une
adaptation des entreprises à la conjoncture et une simplification des procédures
de licenciement. En pleine victoire, elle informe par mail les membres du
comité exécutif du Medef qu'elle a demandé au comité statutaire de se mettre au
travail. La campagne officielle est lancée...
Les langues se délient chez les fédérations déçues par
l'accord sur l'emploi ou agacées par sa démarche. "Les dirigeants qui
s'accrochent, c'est une mauvaise chose", note le président du Medef
Provence-Alpes-Côte d'Azur, Stéphan Brousse. Les nouveaux candidats, comme
Pierre Gattaz ou Geoffroy Roux de Bézieux, sont ulcérés par son putsch façon
Poutine. "Le Medef est une organisation démocratique. On ne change pas les
règles avant une élection", peste Thibault Lanxade, également candidat.
Mais le débat est pipé, car Laurence Parisot se cache
derrière la décision du comité des statuts pour ne pas se justifier : "Il
y a des échéances dans nos institutions, je vais les respecter." Yvon
Gattaz, Jean Gandois et Ernest-Antoine Seillière, trois anciens patrons du
Medef, renoncent à envoyer la lettre qu'ils ont écrit à Laurence Parisot pour
lui faire part de leur indignation. La présidente annonce pourtant sa
candidature potentielle le 2 mars, avant la décision du comité des statuts...
3e acte : Transformer l'essai
Cette méthode du fait accompli permet à Laurence Parisot
d'inverser les rôles en quelques mois. "Les attaques et les propos
anonymes dont je suis l'objet deviennent inacceptables", dit-elle le 2
mars. "Le tam-tam selon lequel je serais une putschiste, ou classable dans
la même catégorie que M. Poutine, procède d'une intention destructrice que je
ne peux pas laisser se développer plus longtemps."
La présidente du Medef rend son départ suffisamment
compliqué pour que les patrons s'interrogent vraiment sur son utilité. Elle
défend son bilan : 20 milliards d'euros de crédit d'impôt et une réforme du
marché du travail. Elle rappelle aussi les enjeux à venir : la réforme des
retraites et celle de l'assurance-chômage, pour lesquelles il va falloir batailler
ferme. "Je ne prendrai pas de risque en cette période : elle a un capital
de reconnaissance, et a développé des relations avec le gouvernement qui
marchent", fait valoir Jean-Louis Schilansky.
Surtout, Laurence Parisot met au défi les fédérations
d'imposer une autre tête à sa place. Celui qui s'oppose à elle sait qu'il va
devoir affronter une candidate qui se bat en-dehors des règles. Peu de
candidats officiellement déclarés sont susceptibles d'avoir le soutien de
l'appareil. Seul un poids lourd semble aujourd'hui pouvoir la détrôner, avec le
soutien des principales fédérations. Frédéric Saint-Geours, le patron de l'UIMM
(métallurige), la plus puissante d'entre elles, s'est déjà prononcé contre un
nouveau mandat de Laurence Parisot. Faute d'alternative, il pourrait lui-même
se présenter en recours, avec le handicap d'incarner une entreprise, PSA, pas
vraiment au mieux de sa forme. Pourra-t-il attendre la décision officielle de
l'UIMM, fin mars, pour se lancer dans la course ? Il vient en tout cas de
prendre congé de son poste au directoire de PSA.
Source : Nouvelobs.com
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire